La VRT analyse le scénario d’une scission

Dans le cadre de son émission Panorama, diffusée ce dimanche soir sur sa 2e chaîne Canvas, la télévision publique flamande a interrogé 11 experts universitaires sur les conséquences concrètes de ce que l’on a qualifié de « Plan B ». Selon les académiciens, une scission de la Belgique serait longue, ardue et très onéreuse. Elle risquerait d’appauvrir tant le nord que le sud du pays et fragiliserait la Belgique sur la scène internationale. Dans le débat qui a suivi le reportage-documentaire, les partis politiques francophones, ainsi que les démocrates-chrétiens, les socialistes, les libéraux et les écologistes flamands ont estimé qu’une scission n’était pas souhaitable. La N-VA, le Vlaams Belang et la Liste Dedecker constatent par contre avec plaisir que le thème n’est plus tabou en Flandre.

Interrogés par le journaliste politique Ivan De Vadder pour la réalisation de l’émission Panorama « Le plan B, un scénario pour la scission de la Belgique », les onze experts universitaires ont décrit, chacun dans sa spécialité, quelles seraient les conséquences concrètes d’un divorce entre la Flandre et la Wallonie.

Il ressort notamment de leurs explications qu’un processus de scission entre les communautés est possible du point de vue purement technique, mais que cela demeure une décision politique. Une scission pourrait en effet durer plusieurs années, elle serait très compliquée à réaliser et coûterait beaucoup d’argent aux entités fédérées.

Les experts estiment en outre qu’une telle dissolution d’un Etat - pour laquelle il n’existe d’ailleurs pas de règle au niveau international - fragiliserait la Belgique au niveau international et risquerait d’appauvrir tant le nord que le sud du pays, bien que la Flandre s’en sortirait en définitive mieux que la Wallonie et Bruxelles, en raison de ses infrastructures de premier plan (comme ses ports), son taux de chômage moins élevé et l’atout du littoral.

De nombreuses questions subsistent d’ailleurs quant à la faisabilité du Plan B. Que faire de Bruxelles, de la Sécurité sociale, de la dette publique, de l’armée, mais aussi de la Société nationale des chemins de fer ou des centaines de bâtiments qui appartiennent actuellement à l’Etat fédéral ?

Réactions prévisibles des partis

A l’issue de la diffusion du reportage-documentaire, un débat était organisé à la VRT télévision, en présence des principaux partis politiques, et notamment des 7 partis qui négocient depuis des mois en vue d’un accord sur une réforme de l’Etat - à savoir le CD&V, le SP.A, la N-VA, les partis écologistes Groen ! et Ecolo, le CDH et le PS.

Les réactions des différents partis se sont révélées dans la ligne de ce qui était attendu. Ainsi tous les partis francophones, mais aussi les démocrates-chrétiens, les socialistes, les écologistes et les libéraux flamands ont estimé qu’une scission du pays n’était pas souhaitable. Le parti nationaliste flamand de Bart De Wever (N-VA), le parti d’extrême-droite Vlaams Belang , ainsi que la Liste Dedecker se sont quant à eux réjouit du fait que le thème de la scission ne soit plus tabou en Flandre.

Le président intérimaire du CD&V, Wouter Beke, a ainsi estimé qu’un processus de scission du pays serait encore bien plus compliqué que les derniers mois, et avant cela les trois dernières années de négociations en vue d’une nouvelle réforme de l’Etat et d’accords communautaires. Selon lui, la seule solution pour un changement et une stabilité est de parvenir à un accord.

Même réaction de la part des socialistes et des écologistes flamands. Leurs présidents Caroline Gennez (photo) et Wouter Van Besien ont estimé qu’il est bon de débattre sur tous les sujets, même difficiles, mais qu’une scission du pays serait trop ardue à mener à bien. « Je n’ai entendu aucun professeur interrogé dans le reportage plaider en faveur d’une scission », concluait Van Besien.

Le président d’Open VLD, Alexander De Croo (photo), s’est radicalement opposé au Plan B, estimant qu’il rendrait tout le monde plus pauvre, y compris la Flandre. « Cela jetterait tout le monde d’une une insécurité absolue ». Et de reprocher à la N-VA de Bart De Wever de se montrer ambiguë par rapport au Plan B et de compliquer ainsi encore les négociations en vue d’une réforme de l’Etat et de la formation d’un nouveau gouvernement.

A quoi le chef de fraction N-VA Jan Jambon (photo) répondait que son parti avait tout fait ces derniers mois pour tenter de parvenir à un compromis, y compris en faisant des concessions (dans le projet de compromis rédigé par Bart De Wever) qui sont difficiles à avaler pour les nationalistes.

Gerolf Annemans du Vlaams Belang a, quant à lui, constaté avec plaisir que les esprits ont évolué. « La scission n’est plus un rêve politique, mais un véritable projet politique », a-t-il déclaré.

Les francophones défendent le Plan A

D’une même voix, les partis francophones invités au débat ont défendu la poursuite des négociations en cours pour parvenir à un accord sur une réforme de l’Etat. Ils estiment qu’une scission serait difficile, mauvaise pour les entités fédérées et surtout bien trop onéreuse.

« Le MR souhaite une réforme de l’Etat en profondeur, pour parvenir à un état belge moderne. Ce dernier sera peut-être plus fédéraliste, ou confédéraliste, mais nous voulons en tous cas un état belge qui puisse redonner une nouvelle impulsion à notre pays. Cela doit être possible en donnant davantage de compétences aux régions et communautés ».

Les socialistes francophones, qui avaient affirmé qu’il fallait peut-être effectivement penser à une scission du pays lorsque les discussions à 7 partis étaient dans une profonde impasse, affirment que les seuls à vouloir réellement un Plan B sont les nationalistes flamands. « Notre préférence va encore toujours à une Belgique réformée en profondeur et efficace. Nous n’étudions le Plan B que comme assurance en cas de catastrophe », affirmait le ministre PS Paul Magnette (photo, à dr.). Olivier Deleuze d’Ecolo ajoutait qu’il fallait « une réforme constante, afin de parvenir à un état réellement efficace ».

Quant au Secrétaire d’Etat Melchior Wathelet (photo, à g.) du CDH, il soulignait qu’une scission de la Belgique mènerait à l’insécurité, l’appauvrissement, une dette publique encore majorée et à la perte du prestige international de notre pays.

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